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Dessin par Sylvain Cnudde

Dessin par Sylvain Cnudde

Ch1 - Episode 12 – « Que se passe-t-il donc ?»

Mur d’un salon sombre, début de soirée pluvieuse et orageuse – Projetée sur le mur, une courbe indique la progression du nombre de smartphones vendus par année, sur les 50 dernières années, à partir de 1994. Le mois d’août 1994 correspond à la commercialisation de l’IBM Simon, le tout premier smartphone conçu en 1992. Les deux dernières années jusqu’à 2044, année en cours, affichent une croissance allant à plus de dix fois la population mondiale, soit 102 milliards de smartphones neufs vendus.
Un camembert montre la part du vocal face à la part du textuel dans les échanges via smartphones ou téléphones en 1994, avec 80 % pour le vocal (tout type d'échanges incluant les conversations classiques). Ce camembert est opposé à un autre qui pour l’année 2026 affiche 70% d’échanges vocaux.
Un dernier visuel expose deux dessins : le premier, daté de 1998, est la représentation d’un larynx en tant qu’organe complexe situé au niveau de la gorge de l’être humain, le second, daté de 2044,  présente une gorge de l’être humain avec un larynx singulièrement atrophié, d’un volume équivalant à environ 40 pourcent de celui du larynx de l’autre dessin.

Salon contigu à la salle d’attente – Lowens debout et concentré, pivote vers Julie qui est assise et détourne les yeux vers la fenêtre au travers de laquelle elle peut voir la pluie qui tombe en averse, le ciel strié d’éclairs.
Il se rapproche d’elle et pose avec affection sa main sur son épaule.
Il fait de nouveau face à l’écran et appuie sur le bouton de la télécommande qu’il tient dans l’autre main.

Mur du salon – La projection redémarre avec une courbe qui dessine l’évolution sur les 50 dernières années, sur les populations des pays tertiaires, du nombre d’habitants comptabilisés ayant la faculté de parler avec la voix biologique. Partant de 100% en 1994, elle descend de manière régulière jusqu’à 26% de la population en 2026. A partir de cette année 2026, le nombre chute de manière vertigineuse à 0% en 2029 pour demeurer par la suite à cette valeur. Associé à l’année 2026, un commentaire : « Mort de Kitty »
.
Salon contigu à la salle d’attente – Lowens dépose avec une pointe de nervosité la télécommande sur une table et se laisse tomber dans un fauteuil.
La lumière de la pièce s’allume.
Lowens jette un coup d’oeil inquiet à Julie.
Il se relève et marche vers une table où se trouve un clavier et tapote quelques mots qui s’affichent sur le mur : « Ta situation est exceptionnelle. Tu dois être très prudente. Tant qu’on n’en sait pas plus, personne ne doit être au courant.»
Julie se rapproche à son tour du clavier et tape : « Mais pourquoi moi ?».
Lowens la regarde avec attention et soulève les épaules dans un mouvement qui dit sa perplexité en même temps que le haussement de ses sourcils, le plissement de ses yeux et un très léger sourire à la commissure de ses lèvres expriment une étonnante curiosité.

Rue du cabinet médical – Julie ouvre la porte de l’immeuble, sort sur le trottoir et voit Louis assis contre l’autre pan de la porte. Leurs regards se rencontrent. Elle détourne aussitôt les yeux, surprise de recroiser cet homme qu’elle avait déjà vu en entrant dans l’immeuble et dont l’attention l’avait troublée, et stupéfaite de l’intérêt qu’il lui porte. Elle décide d’accélérer le pas pour se diriger vers le métro et s’aperçoit qu’il s’est levé pour prendre la même direction qu’elle. Elle va un peu plus vite.
Brusquement, il surgit devant elle. Elle cherche à le contourner. Il l’en empêche et essaie de lui saisir le bras. Elle ne comprend pas ce qu’il veut. Elle le cogne aussi violemment que possible avec son parapluie, se décharge de toute la tension et l’incompréhension qu’elle a en elle, l’incompréhension de ce qu’elle vit, le cogne avec la lourdeur du nécessaire rejet de l’inconnu qui veut prendre place dans sa vie. Elle cogne, le repousse. Ses cheveux trempés l’empêchent de le distinguer. Il ne réagit pas.
Elle court pour pénétrer dans le métro.

Métro – Encore aux aguets, elle s’assied et cherche à voir s’il ne l’a pas suivie. Autour d’elle, il n’y a que des personnes qui ont les yeux tournés vers leurs smartphones. Elle commence à se ressaisir et l’intensité du regard de cet homme lui revient à l’esprit : qui est-il ? Mais que se passe-t-il donc dans sa vie ?

(sans-voix)

Dessin par Sylvain Cnudde (http://blogenkor.canalblog.com/)

Musique recommandée pendant, avant ou après la lecture : Wish you were hear again (Blasze, Acouphean, 2019 - https://blasze.bandcamp.com/album/acouphean)
 

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